Si les poissons ne dormaient pas, à quoi servirait le lit des rivières ? Egger Ph.

Alimentation des poissons


Les poissons peuvent se diviser en trois grandes catégories : les carnivores, qui se nourrissent de vers, d'insectes, de crustacés et même parfois d'autres poissons (nourriture riche en protéines et en lipides mais prises de nourriture peu fréquentes, typiquement 1 à 2 fois par jour); les omnivores, très opportunistes, qui associent nourriture carnée et végétaux (équilibre des protéines, glucides et lipides, 2 à 3 prises de nourriture par jour); les herbivores se nourrissent eux essentiellement de plantes ou d'algues mais ont besoin de beaucoup de temps pour s'alimenter (la plupart de ceux-ci auront besoin d'un supplément car les ressources d'un aquarium sont très limitées).

Connaître les besoins nutritionnels des poissons est un facteur important de santé et de longévité. Ainsi, la lecture de l'étiquette d'une boîte d'aliments pour poissons d'ornement nous révèle typiquement :

un ensemble de protéines : fournissent de l'énergie et participent au developpement musculaire;
des lipides : les plus énergétiques, ils sont généralement issus de poissons et de dérivés de poissons. Indispensables certes, mais trop de lipides et les poissons deviendraient gras.

des glucides : ils ne sont pas assimilés efficacement par de nombreux poissons et sont donc très secondaires.

le taux d'humidité : c'est l'affaire d'un compromis car trop d'humidité nuit à la conservation du produit mais pas assez nuirait cette fois à la digestion.

minéraux ou vitamines : certaines vitamines sont "stockables" par les poissons, mais pas toutes (=nécessité d'un apport constant et régulier).

cendres : un résidu de la cuisson dans les nourritures pour poissons du commerce. il est préférable d'éviter les aliments qui en contiendraient trop (certains flocons bon marché en contiennent 20% ou plus !)

fibres : jouent un rôle dans le transit intestinal.

Les proportions de ces divers éléments mais aussi la taille et la texture de l'aliment varient en fonction des espèces et de leur régime alimentaire : les nourritures sèches conviennent pour la majorité des poissons d'ornement et servent généralement de base à l'alimentation (sauf pour quelques espèces particulières qui ne les accepteront pas) car elles ont été spécialement conçues pour éviter le développement de carences. Le choix est immense et reflète en cela la variété des régimes alimentaires et de morphologie des poissons : bien lire l'étiquette avant d'acheter permet de ne pas se tromper.

Dans la plupart des cas, il est intéressant voire indispensable de compléter l'alimentation des poissons avec d'autres sources de nourriture, soit à des moments particuliers (pour déclencher une reproduction par exemple), soit parce que les poissons ont besoin de compléments (végétaux ou nourriture vivante par exemple) : nourriture congelée, vivante, préparation domestique sont des choix possibles.

La distribution de la nourriture est un moment important : un poisson qui refuserait la nourriture qu'on lui propose manifesterait un problème : stress, maladie, nourriture inappropriée ou à laquelle il n'est pas encore accoutumé sont trois pistes à explorer. C'est donc le moment idéal pour observer les poissons et repérer une anomalie éventuelle dans leur comportement. C'est enfin le moment idéal pour faire un recensement !

L'une des règles de la distribution de la nourriture (qui ne s'appliquera pas toutefois aux mangeurs d'algues et autres poissons de fond qui ont une façon radicalement différente de se nourrir) est de prendre bien soin à ce que la plus grosse partie de la nourriture soit consommée avant d'atteindre le gravier (toutefois, si un petit peu de nourriture reste sur le fond, ce n'est pas bien grave : des poissons opportunistes s'en chargeront à moins que ne passent par là un ou deux escargots).

Il faut enfin prendre garde à ne pas trop distribuer : les poissons sur-nourris peuvent développer des problème de santé; et si la nourriture n'est pas entièrement consommée, elle se décomposera alors dans le sol en produisant de l'ammoniaque et favorisera la multiplication de bactéries indésirables.

Bien nourrir passe donc par évaluer du mieux qu'on pourra les besoins qualitatifs et quantitatifs des poissons : ceci n'est pas toujours facile au début car il faut un peu d'entraînement ...

On proposera une alimentation équilibrée et variée.

Types de nourriture

Les flocons, paillettes, granulés et sticks

-a- Les flocons, paillettes, granulés et sticks : ce sont des classiques de l'alimentation des poissons, et à juste titre. Les grandes marques ont fait d'énormes progrès qualitatifs ces dernières années et ont même développé un nombre impressionnant de variantes adaptées spécifiquement aux besoins de différentes espèces : des flocons ou gros granulés pour poissons rouges aux micro-granulés flottants pour les poissons de petite taille se nourrissant en surface en passant par les tablettes pour certains poissons de fond végétariens de type Ancistrus ou les aliments spécialisés pour alevins ...

Le petit truc infaillible pour savoir combien de nourriture donner: il ne doit jamais y avoir plus d'un tiers de la nourriture qui doit tomber sur le sol de l'aquarium.

Les critères sont assez simples :


  • taille du poisson et orientation de sa bouche ?
  • occupation de l'aquarium en surface, zone intermédiaire ou bien inférieure ?
  • besoins nutritionnels spécifiques ?


Par exemple, les guppies et les platies ont besoin d'une nourriture flottante et de taille réduite : leur bouche est petite et orientée vers le haut car ils se nourrissent principalement en surface. A la différence des poissons rouges qui, eux, sont certainement plus opportunistes : ils accepteront de manger à tous les niveaux de l'aquarium et le fond du bac sera de toute façon passé au peigne fin; reste que les poissons rouges sont des poissons d'eau froide et ne seront donc pas nourris avec des flocons standards pour poissons exotiques : ceux-ci seraient trop riches en protéines (de 40 à 45% environ, alors que 30-35% en moyenne sont suffisants pour des poissons adultes de cette espèce).
Un dernier exemple, celui des alevins et très jeunes poissons, qui doivent béneficier d'une nourriture très riche en protéines afin de stimuler leur croissance.

On conserve les nourritures sèches dans leur emballage d'origine, à l'abri de la lumière et dans un endroit sec et frais, pendant un maximum de 3 mois après l'ouverture : au-delà, le produit perd de ses qualités (vitamines). Donc si vous avez peu de poissons, mieux vaut éviter d'acheter une trop grosse boîte mais en acheter plusieurs petites.

Je déconseille l'achat de flocons achetés en vrac (sur internet par exemple) : il n'y a d'abord aucun moyen d'en connaître avec certitude l'origine, la fabrication ou la composition exacte; en outre, le reconditionnement, en exposant la nourriture à l'air, a déjà commencé d'entamer leur contenu en vitamines, ce qui revient à acheter un produit potentiellement périmé.

La concentration en phosphores et en cendres brutes ne doit pas être excessive (idéalement, moins de 1% pour le premier et moins de 10% pour le second) : certains produits très bon marché contiennent parfois jusqu'à 30% de cendres brutes !

Certaines de ces nourritures sont enrichies en pigments afin de renforcer les couleurs des poissons (par exemple en carotène, spiruline).

En conclusion, les nourritures sèches sont très pratiques et bien élaborées : mais elles ne doivent pas être utilisées seules. La plupart des poissons ont besoin de nourritures complémentaires d'origine végétale et/ou animale (voir la suite).

-b- les comprimés pour poissons de fond : ils coulent et se désintègrent très lentement afin de permettre à ces poissons de les consommer en toute tranquillité, après l'extinction des feux pour les espèces nocturnes.

-c- les lyophilisés : on a rapidement congelé de la nourriture fraîche (daphnies, artémias, crevette d'eau douce, tubifex, larves de moustique, etc) avant de la mettre sous vide. L'eau est éliminée mais le produit conserve la plupart de ses qualités nutritionnelles. A conserver à l'abri de la lumière et dans un endroit sec.

La nourriture congelée

-d- La nourriture congelée : elle est composée de morceaux de poissons, de moules, de crevettes, de vers, etc. Elle combine les avantages de la nourriture fraîche du point de vue nutritionnel sans ses inconvénients possibles (voir ci dessous). Un complément idéal pour stimuler les poissons avant la reproduction. On doit distribuer des portions plus importantes que pour les nourritures sèches dans la mesure où leur taux d'humidité peut atteindre 80% (contre 5 à 10% pour les nourritures sèches). Bien rincer avant emploi. Ne pas décongeler/recongeler.

La nourriture vivante

-e- La nourriture vivante : on peut l'acheter en magasin ou bien faire son propre élevage. Elle est évidemment excellente nutritionnellement et de nombreux aquariophiles font leur propre élevage. La durée de vie est très limitée.

Quelques exemples :

les artémias : très appréciés par tous les poissons, ces crevettes à l'allure étrange stimuleront leur croissance et la reproduction; les larves de ces créatures, appelées nauplies, sont idéales pour la fraie.
les daphnies (petits crustacés de 1 à 4mm);
les vers de vase
les vers grindal (4-5 mm);
les infusoires (conviennent bien à la fraie en raison de leur taille microscopique);
les tubifex (attention : ils souvent accusés de porter des organismes pathogènes : achetez-les toujours chez un revendeur sérieux et rincez les bien ... ou bien faites votre propre élevage.)

La nourriture en gel

-f- La nourriture en gel : récemment apparue sous la marque Tetra, il s'agit de petits sachets remplis d'une gelée très nutritive composée de daphnies, artémias ou vers de vase et enrichie en vitamines. Il est possible de nourrir les poissons "à la main" grâce à ces sachets. Il s'agit d'une alternative intéressante et amusante bien qu'assez onéreuse. Bonne appétence. A utiliser comme "friandise".

La nourriture-maison

-g- La nourriture-maison : en complément de la nourriture séche, on pourra utiliser pour certains poissons carnivores des morceaux de moule, des crevettes, des coques, du jaune d'oeuf et même des morceaux de poissons crus, tous des aliments riches en protéines et en minéraux. La viande blanche est occasionnellement possible mais la viande rouge serait dangereuse (les poissons sont des animaux à sang-froid : or, les graisses se figent à basse température) sauf peut-être le coeur de boeuf et le foie, un complément utilisé avec parcimonie par certains aquariophiles pour doper la croissance des poissons.

Les poissons omnivores ne sont pas en reste et raffoleront de vos préparations-maison : les légumes sont en effet aussi de la partie. Rien de compliqué heureusement : pour les poissons rouges par exemple, distribuez 2 ou 3 fois par semaine de très petits morceaux de courgette ou d'épinard, des petits pois bouillis (1-2 minutes) puis émiettés et rincés à l'eau fraîche ou des boules de brocoli elles aussi bouillies puis passées à l'eau très froide. Festin garanti, et pour pas cher !

Les nourritures pour alevins

-h- Les nourritures pour alevins : la fraie vit sur ses réserves (sac vitellin) pendant 24 h ou 48 h. Ensuite, on pourra leur distribuer des infusoires (créatures microscopiques), nauplii d'artémias (larve de ces étranges crevettes nommées artémias) puis des artémias et des flocons émiettés très finement. Il existe aussi une gamme de nourritures spécialisées pour la fraie.

Les nourritures à proscrire : jamais de fromage ni de nourriture style bouts de saucisses ou encore chocolat ou biscuit (les poissons sont des animaux à sang-froid : or, les graisses se figent à basse température). Le pain est inadapté au système digestif des poissons : il faut aussi l'éviter.

Nourrir les poissons en quelle quantité et combien de fois par jour ?

La plupart des aquariophiles s'accordent sur deux à trois distributions par jour, chaque distribution ne dépassant pas les 3-4 minutes. Ceci bien-sûr à l'exception des poissons de fond qui ont une manière de s'alimenter complètement à part (ils ont besoin de prises plus longues).

De manière générale , les petits poissons sont nourris plus souvent que les plus gros mais en de petites quantités bien-sûr : trois ou quatre petites portions valent mieux qu'une grosse.

Les nourritures commerciales sont généralement très énergétiques : il faut donc éviter de surnourrir car un excès de nourriture ne serait pas complètement assimilé par les poissons et polluerait l'eau (déjections plus conséquentes).

En observant bien le comportement et les habitudes de ses poissons, on arrive au bout d'un temps assez bref à bien connaître leurs besoins : plus de "règles" donc, juste du bon sens !

Quelques "trucs" pour bien nourrir :

- observez bien le comportement de vos poissons (se nourrissent-ils à la surface ou bien en zone intermédiaire ? où passent-ils la plupart de leur temps ?); leur morphologie (position et taille de la bouche, taille du poisson) : ceci vous donnera des indications fiables sur le meilleure façon de nourrir vos poissons.

- en aquarium d'ensemble, il peut être nécessaire d'utiliser différents types de nourriture en fonction des différentes espèces (exemple : une nourriture qui flotte et une autre qui coule);

- de nombreux poissons de fond nécessitent d'effectuer une distribution supplémentaire après que les lumières sont éteintes (exemple : comprimés pour poissons nocturnes);

- observez bien les poissons pour voir si tous les poissons ont accès à la nourriture: un accès égal à la nourriture n'est certes pas vraiment possible en raison de rapports de dominance mais tous les poissons devraient avoir au moins une part.

- les poissons sont des animaux à sang-froid : par rapport à des animaux à sang chaud, leurs besoins alimentaires sont comparativement limités dans la mesure où la nourriture ne leur sert pas à produire de la chaleur (on dit qu'ils sont "hétérothermes" puisque la température de leur corps fluctue en fonction de la température extérieure).

- les poissons voient leur métabolisme s'accélérer lorsque les températures augmentent : le poisson rouge, par exemple, aura besoin d'apports énergétiques plus importants s'il est maintenu à 22°C qu'à 15°C (notons que le filtre est heureusement plus efficace biologiquement si l'eau est plus chaude). Si les températures sont très froides (par exemple l'hiver en bassin), il faudra cesser de d'alimenter.

- les alevins sont en pleine croissance et ont donc besoin de nourritures plus riches en énergie et en protéines que les adultes. La nourriture vivante, microscopique au début, est très efficace ainsi que les aliments spécialisés du commerce (sous forme liquide puis solide).

- renseignez-vous en magasin ou postez une question sur un forum aquariophile en cas de doute.

Quand il vaut mieux ne pas nourrir ou bien réduire l'alimentation ...

- en présence d'ammoniaque et de nitrites (aquarium récemment mis en eau) : nourrir les poissons conduirait à produire encore davantage de ces polluants;
- avant de transporter ses poissons sur de longues distances.


Egger Ph.