Si les poissons ne dormaient pas, à quoi servirait le lit des rivières ? Egger Ph.

Anatomie et physiologie


Les différentes formes des poissons

La forme des poissons est adaptée au milieu dans lequel ils vivent : le corps des poissons est typiquement fuselé (poissons fusiformes) car celui leur confère des propriétés hydrodynamiques exceptionnelles; mais chaque milieu ayant ses exigences propres, d'autres poissons auront pu évoluer d'une manière radicalement différente afin de s'y adapter au mieux : la forme des poissons est donc l'un des meilleurs indicateurs du milieu particulier dans lequel il vivent.

Ainsi, le discus a développé un profil très plat et une forme en disque très caractéristiques : ce poisson vit en effet dans des eaux très calmes et abondantes en végétaux, le profil plat déroutant les prédateurs et lui permettant aussi de se faufiler très facilement dans les feuillages et entre les nombreux obstacles (la vitesse lui est moins essentielle qu'à d'autres espèces).

Les poissons de fond (loches et poissons-chats par exemple) possèdent eux un abdomen plat et une bouche orientée vers le bas alors que les poissons de surface ont le dos souvent plat et la bouche orientée vers le haut.

Se déplacer rapidement dans l'eau n'est pas une simple affaire : en effet, l'eau est un fluide très dense. Les poissons dépendent à la fois de leur squelette, qui forme une structure stable très complexe, la force des muscles et le mouvement des nageoires pour se déplacer.

A cela s'ajoute un mouvement de type ondulatoire mais à différents degrés selon les espèces (l'anguille en étant le meilleur exemple).

Les nageoires


La nageoire caudale ("la queue") participe à la propulsion du poisson.
Les nageoires anales et dorsales ont une fonction stabilisatrice, en vitesse lente ou à l'arrêt.
Les nageoires pectorales et pelviennes permettent au poisson d'ajuster sa trajectoire (changements de direction haut + bas + droite + gauche), d'accélérer ou de ralentir; elle ont également un rôle de stabilisation.
Les nageoires dorsales et caudale sont dites impaires alors que les nageoires pelviennes, anales et pectorales sont paires.
Il existe une infinie variété de formes et de tailles de nageoires. Et si la plupart des poissons disposent de 7 nageoires (deux paires et 3 impaires), certaines espèces en ont plus (plusieurs nageoires dorsales chez certains, présence d'une petite nageoire sans rayon de soutien appelée "nageoire adipeuse" chez d'autres) mais d'autres moins !

Les nageoires peuvent avoir aussi d'autres fonctions moins connues : communication, défense, ventilation et même transport des oeufs chez quelques espèces ... certains s'en servent même pour "marcher" (le silure-grenouille par exemple) !

Ce que les nageoires peuvent aussi nous dire sur la santé des poissons ...

Un des signes caractéristiques du stress ou de l'apparition d'une maladie chez le poisson est une nageoire dorsale recroquevillée, comme collée au reste du corps.

Les attaques parasitaires (par exemple points blancs, rougeurs) débutent aussi souvent par les nageoires : gardez l’œil !

Les écailles

Elles jouent à la fois un rôle protecteur contre les agressions extérieures (physiques, infections, parasites) et un rôle de lubrifiant permettant d'améliorer la vitesse du poisson grâce au mucus sécrété par des glandes dont elles sont recouvertes. Elle sont imbriquées à la manière des tuiles d'un toit.
Le mucus, la substance gluante et collante qui recouvre les écailles du poisson, agit en tant que barrière contre les bactéries et les parasites, en les engluant littéralement afin de les empêcher de pénétrer sous la peau. Certaines matières dangereuses peuvent aussi partiellement être bloquées grâce au mucus : mais si le poisson est très irrité (parasite, pollution de l'eau), on voit alors se manifester une hypersécrétion de mucus (voir encadré en bas de page), stratégie visant à le débarrasser de ces irritants en les rejetant en dehors du cuticule.

Chez quelques espèces, les écailles sont très épaisses et forment des plaques osseuses alors que chez d'autres elles sont minuscules (anguilles) ou ont même disparu.

Les écailles grandissent avec le poisson mais leur nombre n'augmente pas.

Attention : il faut éviter à tout prix de toucher les écailles des poissons avec des mains sèches car cela détruirait le mucus dont elles sont recouvertes et favoriserait l'apparition d'infections.

Une hyper-sécrétion de mucus, qui donne à la peau une texture laiteuse blanchâtre ou grisâtre, manifeste toujours un problème. Elle peut avoir plusieurs causes, parmi lesquelles :
-infection bactérienne ou parasitaire;
-acidose (réaction brutale du poisson à un pH trop bas ou très inadapté à l'espèce) ou alcalose (réaction brutale du poisson à un pH trop élevé ou très inadapté à l'espèce);
-pollution organique (ammoniaque, nitrites) ou chimique (aérosol, peinture).

Les couleurs des poissons

Il existe trois sortes de pigments : la mélanine (noir, marron), la xanthine (du jaune au rouge en passant par l'orange, ) et la guanine (reflets argentés et métalliques) qui sont contenus dans des cellules spécialisées appelées chromatophores.

Des changements progressifs de couleurs sont possibles en fonction des événements (reproduction, stress ou agression, camouflage) ou de l'âge du poisson ...

Un poisson dont la robe devient pâle souffre peut-être d'une alimentation déséquilibrée ou bien d'une infection. C'est encore l'un des symptômes du stress (en plus du mouvement accéléré des opercules par exemple).

Les sens des poissons

La vue

Première constatation : les poissons n'ont pas de paupières (elles nous servent notamment à garder notre oeil humide mais cela devient inutile quand on vit dans l'eau !) Mais ils ont bien une rétine (qui permet d'accommoder la lumière) : celle-ci absorbe une très grande quantité de lumière - ce qui permet à certaines espèces de continuer à voir dans une obscurité où même un chat ne verrait plus rien - mais ne s'adapte que lentement aux variations brusques (ce qui explique que si on allume brusquement la lumière du bac, sans transition, les poissons peuvent sembler désorientés ... d'autant qu'ils n'ont pas de paupières pour se protéger).

Les poissons carnivores ont souvent une vision binoculaire qui leur permet de très bien voir même sur de longues distances et surtout en relief (idéal pour fixer très précisément une proie).
D'autres poissons ont une vision monoculaire, qui a l'avantage d'être quasiment "panoramique", ce qui est très utile pour échapper aux prédateurs, en corrélation avec d'autres sens (ligne latérale par exemple).

La vue dépend elle aussi beaucoup de l'environnement : le poisson-chat ou l'anguille voient plutôt mal puisqu'ils vivent en général dans des eaux peu claires; la truite, qui vit en eau claire, a une excellente vue.

La vision en couleurs est avérée chez certaines espèces mais son utilité même dépend aussi de la profondeur (en fonction de la profondeur, l'eau absorbe d'abord le rouge, puis le jaune et l'orange, le bleu et le violet).

L'odorat

L'odorat est très développé et joue un rôle essentiel dans la détection de la nourriture et dans la sexualité : les narines ne communiquent cependant pas avec la bouche et ne peuvent donc servir à respirer (c'est le rôle des branchies).

Le goût

Le goût agit en symbiose avec l'odorat : les poissons possèdent des papilles gustatives dans la bouche, la gorge, les narines et même pour certains sur les barbillons et sur les nageoires pelviennes.

Le toucher

Le toucher n'est probablement pas très développé chez les poissons ne possédant pas de barbillons, lesquels jouent un rôle tactile et sensitif (généralement chez des poissons qui vivent dans un environnement sombre dans lequel la vision est limitée), mais les poissons peuvent sentir s'ils sont touchés (ce que je déconseille de faire).

L'ouïe

Les poissons peuvent entendre : leur oreille est cependant très différente de la nôtre car elle est uniquement interne.

Par ailleurs, l'eau ne transmet pas les vibrations de la même manière que l'air : les sons circulent plus vite que dans l'air mais sont très déformés.

La ligne latérale

La ligne latérale est remarquable : de l'arrière de la tête jusqu’à la nageoire caudale, cette ligne permet aux poissons de détecter les changements de vibrations les plus subtils. C'est elle qui permet à des milliers de poissons de nager en bancs sans jamais se heurter; mais elle est aussi indispensable afin d'appréhender le plus tôt possible l'arrivée d'un éventuel prédateur, même dans l'obscurité.

Les poissons peuvent-ils souffrir? 

Ceci ne fait plus aujourd'hui aucun doute ... Un article récent sur le sujet nous dit (Alex Kirby, BBC, avril 2003) : "la première preuve sérieuse de la perception de la douleur aurait été découverte par des scientifiques britanniques (...) Les poissons ont des récepteurs de la douleur, comme nous (...) Les scientifiques ont découvert des zones sur la tête des truites qui répondent à des stimuli entraînant des dommages. Il ont aussi trouvé que les poissons montraient des réactions lorsqu'ils sont exposés à des substances dangereuses. La question de savoir si les poissons sentent ou non la douleur a été très longtemps un sujet de discussion entre pêcheurs et activistes pour la cause animale. La recherche, menée par une équipe de l'Institut Roslin de l'Université de Edimbourg est publiée par l'académie nationale des sciences britannique (...) Les chercheurs, conduits par le Dr Lynne Sneddon, disent que la réaction comportementale et physiologique des truites après exposition à des substances nuisibles est comparable à celle des mammifères les plus évolués."

Les causes de souffrance sont multiples : l'exposition à des polluants (ammoniaque, nitrites), des événements stressants (il est utile d'apprendre à ses enfants de ne jamais taper contre le verre d'un aquarium), des blessures ...

La respiration et les branchies

Les branchies constituent l'organe de la respiration (comme les poumons chez nous) mais participent également à l'osmo-régulation (régulation des sels minéraux) et le maintien d'un pH constant.

Les branchies sont très délicates mais sont bien protégées grâce à des opercules.
Il est difficile d'observer correctement les branchies sur un poisson vivant du fait des opercules protectrices qui les couvrent : les opercules recouvrent en fait un très grand nombre de lamelles branchiales très vascularisées (d'où leur couleur bien rouge chez un poisson en bonne santé) disposées sur un arc branchial (4 en tout).

La surface "en branches" autorise une vaste zone d'échanges gazeux entre le poisson et son environnement (absorption de l'oxygène rejet du gaz carbonique).

De l'ammoniaque (déchet organique, l'équivalent de l'urine chez nous) est enfin rejetée de manière constante par les branchies.

Il faut éviter de soulever les branchies d'un poisson vivant (pour confirmer l'existence d'un parasite par exemple) : elles sont extrêmement fragiles et un mouvement excessif peut facilement les endommager (mais quelqu'un ayant l'expertise pourra le faire en toute sécurité).

Des signes qui doivent alerter ...

Si les opercules s'ouvrent et se referment de manière accélérée, cela indique des difficultés respiratoires dont les causes sont multiples (manque d'oxygène ? présence de nitrites ? parasites attaquant les branchies ? stress ?). La présence de traînées de mucus ou d'hémorragie est elle aussi le signe d'un problème sérieux.

Le squelette

Il est extraordinairement complexe mais assez fragile. Il est composé de cartilage et d'os et comporte trois segments : crâne, colonne vertébrale et lamelles osseuses des nageoires.

Le cerveau et le système nerveux

Assez rudimentaire en comparaison des animaux évolués (pas de cortex cérébral, siège des impressions). Certaines régions du cerveau sont très développées (odorat notamment) et les poissons sont bel et bien dotés d'une mémoire d'après de nombreuses recherches : un guppy pourrait ainsi reconnaître plusieurs dizaines de ses congénères. Donc, le poisson rouge doté d'une mémoire de "3 secondes" est un mythe : certains ont même pu être entraînés pour réaliser des tâches simples (par exemple, pousser une minuscule balle jusqu'à une cage de buts, véridique !).

Le système nerveux est est relativement peu développé en comparaison des mammifères : mais cela ne signifie pas non plus que les poissons ne sentent pas la douleur, contrairement à ce que l'on a longtemps pensé ...

Le cœur

Il est rudimentaire : doté de deux chambres séparées par une valve, il pompe le sang oxygéné des filaments branchiaux qui sera ensuite distribué vers les différents organes.

L'appareil digestif

L'oesophage est très extensible, ce qui permet aux poissons d'accepter à peu près toute nourriture pouvant passer par la bouche. L'estomac des prédateurs est plus allongé que celui des omnivores, de la forme d'une poche; la longeur des intestins diffère aussi selon les comportements alimentaires : plus courts chez les carnivores et plus longs chez les omnivores ou les herbivores (dont l'estomac est comparativement plus petit aussi). Enfin, certains poissons, comme le poisson rouge, n'ont pas d'estomac bien différencié.

La vessie natatoire

La plupart des poissons osseux possèdent un organe servant au contrôle de la flottaison, la vessie natatoire. Cela permet au poisson de s'adapter aux changements de pression de l'eau. Les maladies ou les anomalies de la vessie natatoire peuvent cependant laisser le poisson incapable de flotter entre deux eaux (il coule ou il flotte et perd toute stabilité).

Les organes reproducteurs

La grande majorité des poissons sont ovipares : la femelle pond un très grand nombre d’œufs qui seront ensuite fécondés par le mâle à l'extérieur. Certains espèces vont alors protéger les œufs (tout intrus sera découragé) et même construire un nid à cet effet; mais d'autres espèces, qui pondent un nombre considérable d’œufs, abandonneront leurs œufs, dont une partie suffisante survivra à la prédation de toute façon.

Certains poissons (famille des Poecilidés) sont eux vivipares - c'est à dire que les oeufs sont conservés par la femelle dans une chambre d'incubation - qui donne alors naissance à des petits tout formés et relativement gros (les oeufs sont fécondés à l'intérieur de la femelle : le mâle utilise pour féconder la femelle un gonopode - anciennement une nageoire en fait, reconvertie en organe sexuel). Ces poissons peuvent paraître peu prolifiques au premier abord (entre 30 et 60 jeunes en moyenne) : mais le taux de survie est beaucoup plus élevé que chez les ovipares dont beaucoup d'oeufs seront dévorés ou attaqués par des parasites avant d'éclore.

Les poissons sont-ils intelligents ?

A priori, à cette question, la plupart des gens seraient bien tentés de répondre ... non !
Reste que, si on veut bien vouloir laisser de côté toute comparaison avec l'intelligence humaine, qui n'aurait pas de sens, les résultats apportés par plusieurs expérimentations nous amènent à revoir un peu de nos a priori.

Tout d'abord, la mémoire : comme pour les humains, tous les poissons ne sont pas égaux et leur mémoire pour la réalisation d'une tâche basique peut aller de quelques jours à ... plusieurs mois (pour la truite par exemple). En tout cas, aucun n'a une mémoire de 3 secondes, cette légende s'appliquant au poisson rouge qui, tournant en rond dans son minuscule et inconfortable bocal, s'étonnerait à chaque tour de ce qu'il y découvrirait !

Point besoin d'expérimentation pour réaliser que ses poissons rouges ont rapidement appris à associer la nourriture et leur propriétaire, le lieu précis de l'aquarium où est distribuée la nourriture et même l'heure à laquelle a lieu la distribution de nourriture s'ils sont nourris tous les jours à la même heure (quant à savoir s'ils peuvent reconnaître leur propriétaire des autres personnes, à mon avis, c'est non !).

Certains aspects de la mémoire sont davantage liés à l'inné qu'à l'acquis toutefois, comme celle, universellement partagée : la reconnaissance d'un éventuel prédateur ! Mais certains cichlidés par exemple, peuvent aussi "enseigner" à leur alevins les "trucs" pour détecter (lieux à éviter par exemple) et échapper à un prédateur. Il y a aussi chez de nombreux poissons grégaires la reconnaissance donc la mémorisation des caractéristiques individuelles de ses congénères, qui passe par une longue période d'observation et d'interaction qui met en action tous les sens des poissons : il est ainsi intéressant de voir, lorsqu'on introduit de nouveaux poissons dans l'aquarium, comment les autres poissons de la même espèce déjà présents sont curieux et viennent s'approcher du sac de flottaison.

Le saviez-vous ?

Certaines espèces de poissons sont capables d'utiliser leur vessie natatoire pour communiquer (en utilisant des sons haute-fréquence).


Egger Ph.