Si les poissons ne dormaient pas, à quoi servirait le lit des rivières ? Egger Ph.

Comportement et agressions


Il faut tout d'abord distinguer les simples mises en garde et les diverses démonstrations de force (postures d'attaque, déploiement des nageoires le plus large possible, intensification des couleurs, parades et mouvements circulaires en période de reproduction ...) des agressions mêmes.

Après tout, les agressions comportent un certain nombre d'inconvénients, même pour celui qui agresse ... En effet, celui-ci prend des risques en procédant ainsi, par exemple celui d'être blessé ou même tué, sans compter une perte d'énergie et de temps qui pourraient être mieux employés à rechercher de la nourriture ou à trouver des partenaires pour se reproduire ...

Beaucoup de nos poissons (mais pas tous !) manquent simplement d'un élément qui pourrait les rendre vraiment dangereux : des dents ! Certains ont certes des épines dorsales mais leur rôle est davantage défensif qu'offensif.

Et pourtant, dans certaines circonstances, les dommages peuvent être très importants voire définitifs : nageoires mordillées ou déchirées, attaques incessantes et féroces sur un poisson tellement stressé qu'il refuse de s'alimenter ... ou bien, si la victime est suffisamment petite, elle sera avalée purement et simplement !

Si la cause des attaques réside dans la mise en place d'une hiérarchie (groupe hiérarchisé), les attaques trouvent naturellement leur fin une fois que celui qui l'a emporté aura soumis le reste de la troupe. Le dominant recevra alors sa gratification : meilleur accès à la nourriture, aux femelles ... Les plus dominés grossiront peut-être moins vite et auront moins d'opportunités de se reproduire.

Mais si la cause réside dans l'appropriation d'un territoire (espèces territoriales et solitaires), il ne pourra y avoir de fin aux agressions du moins tant que l'agressé restera dans le champ de vision de son agresseur, lequel le considère comme un intrus persistant. Et on voit pourquoi ce problème est toujours plus sérieux dans les plus petits bacs : il n'y a nulle part où se réfugier pour la victime !

Les causes des agressions dans nos bacs sont multiples et résident souvent en partie de conditions de maintenance inadaptées ou d'association d'espèces totalement incompatibles :

-l'aquarium est trop petit et les poissons dominants hiérarchiquement voient dans la présence continuelle des dominés, souvent plus petits, une provocation (ceux-ci étant incapables de prendre suffisamment leurs distances);
-l'aquarium comprend un ou plusieurs prédateurs;
-pour certaines espèces, le ratio mâle/femelle est incorrect : par exemple, même avec un poisson pacifique comme le brave platy, si on met deux mâles pour une femelle, des attaques incessantes sont garanties (le ratio "normal" étant de 3 femelles pour un mâle);
-pendant et après la reproduction, certains poissons deviennent très agressifs car ils interprètent, souvent à raison d'ailleurs, la présence des autres poissons comme une compétition ou une menace pour les oeufs et les alevins. Certaines espèces défendent un territoire de manière constante alors que d'autres ne se l'approprient que pendant un certain temps (celui de la reproduction par exemple).
-certaines espèces ont des relations intra-spécifiques détestables alors qu'ils tolèreront souvent mieux les autres espèces.
-d'autres poissons, tels les barbus de Sumatra, ont une activité débordante et ne devraient jamais être mélangés à des poissons paisibles, lents et à longues nageoires (lesquelles finiraient mordillées et déchirées).
-en plus d'un volume bien adapté, le décor et son aménagement jouent un rôle important dans la mesure où plantes, roches et souches de bois peuvent permettre d'établir des divisions dans l'aquarium. Les dominés ont ainsi la possibilité de se soustraire à la vue de leurs agresseurs.
-si les différentes espèces de poissons occupent toutes un même niveau, les chances de voir survenir des agressions augmentent en raison d'une plus forte compétition.
-dans un aquarium déjà bien établi, le dernier venu est généralement considéré comme l'intrus. Il est parfois nécessaire de planifier l’introduction des poissons en fonction de ce paramètre. Cela vaut aussi si le poisson a momentanément été déplacé dans un autre bac : il se peut qu'il ait perdu sa place dans la hiérarchie et soit désormais considéré comme un intrus par ses anciens compagnons.

Prévention et remèdes

Se renseigner préalablement sur chaque espèce qu'on souhaite maintenir et se renseigner sur leur relations intra et interspécifiques (internet, magasin ...);

Avoir un volume adapté aux différentes espèces de poissons : les petits volumes concentrent les agressions. Pour les poissons territoriaux, la taille des poissons est un bon indicateur de la taille de territoire qu'ils exigent (grossièrement, plus le poisson sera gros, plus son territoire sera important);

Certains espèces de poissons ne peuvent être correctement maintenues qu'en aquarium spécifique (seuls, en couple ou en groupe selon les cas);

Respecter le ratio mâle-femelle pour d'autres espèces permet d'éviter les combats entre mâles;

Parfois, on n'hébergera qu'un seul mâle d'une même espèce sous peine d'assister à des combats mortels (exemple : combattant)

Ne pas surpeupler, installer un décor et bien planter l'aquarium aident toujours. Le déplacement d'une partie du décor peut parfois permettre de casser les agressions en modifiant la géographie des territoires, mais ce n'est souvent qu'une victoire de courte durée.

Associer des espèces qui occupent différents niveaux de l'aquarium a un intérêt esthétique mais peut aussi réduire la compétition.


Egger Ph