Si les poissons ne dormaient pas, à quoi servirait le lit des rivières ? Egger Ph.

La reproduction


Les poissons se divisent en deux grandes catégories :

- les ovipares : ils pondent des oeufs. Ce sont, de loin, les plus nombreux.
- les vivipares : l'incubation des oeufs a lieu dans la poche maternelle et les petits naissent tout formés. Les exemples les plus connus sont les guppy, platy, molly.

La reproduction des poissons en zone tempérée est largement dépendante des saisons : le poisson rouge se reproduit ainsi typiquement en bassin avec l'arrivée du printemps, lorsque les températures se réchauffent et que la nourriture redevient plus abondante.

Pour les poissons des zones tropicales, de nombreux facteurs peuvent entraîner le déclenchement de la ponte : une pluie ou un réchauffement des températures, l'influence de la lumière (beaucoup de poissons se reproduisent le soir ou au petit matin) sont autant de stimuli possibles.

L'alimentation joue elle aussi un rôle important dans le déclenchement de la reproduction : des poissons bien nourris auront naturellement plus de chance d'avoir beaucoup d’œufs et une plus belle descendance.

Après une cour plus ou moins spectaculaire et même parfois presque violente, les œufs des espèces ovipares sont expulsés par la femelle et rapidement fécondés par le mâle.

Certains poissons, les cichlidés par exemple, assurent un contrôle parental (parfois la femelle, parfois le mâle, parfois les deux) afin de s'assurer que les œufs puis les alevins ne finissent pas dévorés par les prédateurs ou que les œufs ne soient pas attaqués par les champignons (en retirant systématiquement les œufs non viables et en les ventilant grâce à leur nageoires pectorales); mais d'autres espèces, généralement très prolifiques, ne s'occupent absolument pas de leur progéniture : c'est un bon pari en ce qui les concerne car les œufs sont si nombreux qu'une partie finira bien par s'en sortir et les femelles peuvent alors se permettre d'enchaîner plus rapidement les pontes.

En aquarium, un certain nombre de problèmes ou d'obstacles peuvent cependant apparaître.

Tout d'abord, les poissons qui prennent soin de leurs œufs et parfois même des alevins doivent avoir un sentiment suffisant de sécurité : cela peut par exemple consister en une cache aménagée où seront déposés les œufs et que les poissons garderont contre tout intrus; cela passe aussi par l'appropriation d'un territoire suffisant. Faute de quoi les poissons délaisseront ou dévoreront même leurs propres œufs en "estimant" simplement que leur descendance n'aura aucune chance de survivre et, faute de mieux, en s'offrant au moins un menu très riche en protéines. Quelquefois, des juvéniles peuvent également finir par être dévorés lorsqu'ils ont cette fois atteint une certaine taille (ceci n'est pas rare chez les cichlidés) : l'explication la plus simple est que, faute d'un espace suffisant dans l'aquarium, les jeunes n'ont pu suffisamment prendre de distance avec les parents qui les voient désormais soit comme une menace pour la prochaine génération soit comme des compétiteurs - la seule solution consiste donc à retirer les jeunes.

Pour les poissons ne s'occupant pas de leur progéniture, l'équation est assez simple : l'aquarium est-il suffisamment vaste et comporte-t-il assez de caches (décor, plantes) pour qu'une partie des œufs et des petits échappent aux poissons adultes, y compris papa et maman ? Si ce n'est pas le cas, un bac de reproduction à l'hygiène correcte devra être utilisé.

L'incubation des oeufs prend quelques jours. Les larves quittent ensuite l’œuf : pendant les tout premiers jours, elles se nourriront grâce aux réserves en nutriments contenues dans le sac vitellin. Les alevins passeront ensuite à diverses proies plus ou moins microscopiques selon leur taille et leur espèce.

Cependant, chez les vivipares, dans la mesure où les petits sortent tout formés, ceux-ci doivent eux être à même de dénicher leur nourriture dès les premières heures. Leur exceptionnelle mobilité dès les premières minutes suivant l'expulsion du ventre maternel est un atout incontestable.

Guppy ou platy se reproduisent souvent spontanément dans nos aquariums et ce parfois même sans aucun mâle présent dans le bac. Les femelles ont en effet la capacité étonnante de stocker le sperme pendant six mois. Quelques-uns survivront même à la prédation des adultes (mais pour optimiser leurs chance de survie, on utilise un bac de reproduction d'où on retire la femelle juste après la naissance)

Les ovipares sont beaucoup plus prolifiques que les vivipares : cela s'explique notamment par le risque de prédation sur les œufs et les larves. Les vivipares ont nettement moins de petits mais leur taux de survie, assez élevé, permet de compenser aisément.

Il existe tout un tas de stratégies permettant d'optimiser la chance de survie des œufs en dehors de tout contrôle des parents. Par exemple, de petits œufs transparents auront beaucoup plus de chance d'échapper aux prédateurs; les plus gros œufs étant plus visibles, les espèces qui les pondent exercent le plus souvent une surveillance farouche.

L'incubation buccale est une autre stratégie utilisée notamment par des poissons originaires du lac Malawi (Afrique) : la femelle commence à pondre et récupère ses propres œufs dans sa bouche. Elle est ensuite attirée par le mâle qui libère sa laitance. Elle récupère la laitance dans sa bouche afin de féconder les œufs et puis se dissimule dans une cavité rocheuse (épisode particulièrement épuisant car elle ne peut plus s'alimenter pendant cette période). Les œufs sont peu nombreux mais le taux de survie est très élevé et la femelle maintiendra sa surveillance après l'éclosion.

Dernier exemple : les poissons appartenant à la famille des belontidés (combattants, gouramis, etc) vivent dans un milieu souvent appauvri en oxygène, auquel ils se sont cependant adaptés grâce à un organe respiratoire auxiliaire appelé labyrinthe. Ces poissons construisent un nid de bulles à la surface de l'eau, l'endroit où l'oxygène est le plus concentré, dans lequel le mâle dispose les œufs après avoir aspiré l'air en surface : ce nid sert de refuge aux œufs et les bulles qui le forment restent stables grâce à du mucus et adhèrent ainsi les unes avec les autres. Pendant cette phase, tout intrus serait violemment chassé par le mâle.

La mise en place d'un bac de reproduction dédié pour certaines espèces, l'installation de grilles de séparation en aquarium d'ensemble ou alors la mise en place d'abris rocheux pour les cichlidés donnera, on le voit bien, les meilleurs résultats.

La reproduction en aquarium est envisageable pour de nombreuses espèces mais pas toutes.
Pour mettre toutes les chances de son côté, les conditions reproduites dans nos aquarium doivent s'approcher le plus possible de celle que connaîtraient les poissons dans leur milieu naturel : eau (pH, dureté, température ...), plantes et décor, espace suffisant et sentiment de sécurité sont quelques exemples.

La reproduction des ovipares : les grands principes

On discutera ici des aspects généraux : comme chaque espèce a ses propres exigences, merci de vous référer aux fiches poissons pour des infos particulières à une espèce donnée.

Certaines espèces sont plus faciles à reproduire que d'autres : il arrive même souvent que des reproductions spontanées aient lieu dans nos aquariums ... mais passent tout simplement inaperçues parce que les oeufs ou les alevins auront été victimes de la prédation des autres habitants de l'aquarium. Pour donner un maximum de chance aux oeufs ou aux larves, on utilise donc généralement un bac de reproduction.

La première exigence est de posséder au moins un mâle et une femelle en bonne santé : simple, et pourtant ... pas toujours. Certaines espèces de poissons présentent un effet un dimorphisme sexuel net portant sur la couleur, la forme ou la taille (la distinction est aisée dans ce cas) mais d'autres non. Dans ce dernier cas, des indices tels qu'un ventre plus arrondi peuvent permettre de repérer la femelle. Si ce n'est pas le cas, la meilleure stratégie sera sans doute de tabler sur tout un groupe de poissons en misant sur la probabilité que les deux sexes y soient représentés (plus le groupes sera important, plus la probabilité sera élevée bien-entendu : un groupe trop petit risquerait de mener à l'échec).

Les autres conditions sont :

la qualité de l'eau : de nombreuses espèces des eaux acides peuvent certes s'adapter à un pH plus élevé mais, pour réussir une reproduction, une eau un peu plus acide sera très souvent nécessaire. L'eau devra être bien-sûr exempte d'ammoniaque, de nitrites et le taux de nitrates devrait être le plus bas possible. Un changement d'eau déclenche la reproduction de nombreux poissons.
la filtration du bac de reproduction : seul un filtre-mousse est recommandé car il produit peu de remous et ne risquera pas d'aspirer les œufs.
la température de l'eau : très souvent, l'eau propice à la reproduction est légèrement plus chaude (stimulus).
la plantation : certaines espèces ont besoin de plantes (leurs œufs très collants y adhéreront), d'autres de de mousse de Java afin d'y déposer les œufs.
l'éclairage : il sera tamisé pour la plupart des poissons (plantes flottantes). De nombreux poissons se reproduisent la nuit tombée ou au petit matin.
le décor : pour les cichlidés, des cavités rocheuses peuvent être aménagées dans le bac principal afin de permettre à la femelle de pondre et de s'occuper de ses œufs en toute sécurité. L'espace doit alors être suffisant pour éviter les agressions.
l'alimentation : de la nourriture vivante (artémias, vers de vase) encourage la reproduction.
l'environnement doit être calme.
le bac à alevins : sa maintenance doit être irréprochable : ammoniaque, nitrites et nitrates n'y ont pas leur place. Cela entraînerait des malformations, un développement lent ou des morts.


La reproduction des vivipares : les grands principes

La reproduction des vivipares est généralement très facile (trop diront certains : attention à pas être dépass(é)e par le taux de multiplication de ces animaux et gare à la consanguinité).
Le meilleur taux de survie pourra être obtenu grâce à un bac séparé pour les alevins : mais une petite partie des alevins peut quelquefois trouver le moyen de survivre en aquarium d'ensemble si celui-ci est bien planté.
La nageoire anale du mâle a évolué en un organe reproducteur allongé, le gonopode.

Les causes possibles des échecs

Tout d'abord, certains poissons sont particulièrement difficiles à reproduire en aquarium et pour d'autres même, aucune reproduction en captivité n'a été réussie.

Pour les autres, on peut essayer d'éviter les échecs par :
-une eau et une alimentation de bonne qualité et adaptées;
-le changement du couple de reproducteur : un poisson serait-il stérile ? le couple serait-il "mal assorti" ?; s'agit-il bien d'un mâle et d'une femelle ?
-des soins supplémentaires : on pourra par exemple très légèrement ventiler les oeufs grâce à un aérateur si les parents manquent à leur devoir; retirer les oeufs non viables et ajouter du bleu de méthylène s'ils ont tendance à pourrir pas (en bac de reproduction uniquement car le bleu de méthylène entrave la filtration biologique);
-enfin de la persévérance !


Egger Ph.